Libex a le plaisir de reproduire une interview d’Ismail Dogan du journaliste espagnol Francisco Punal Suarez, publiée sur le blog ami «Fany-blog» :
https://fany-blog.blogspot.it/2018/01/intervista-ismail-dogan-di-francisco.html
Et vous propose une galerie de certains de ses dessins.
İsmail Doğan est un artiste belgo-turc. Il a été menacé plusieurs fois pour ses caricatures politiques. Dessinateur politique belge d’origine turque, il a créé le journal satirique bilingue Kardaş. Participé à de nombreux concours de dessins satiriques nationaux et internationaux et collaboré depuis de nombreuses années à la presse turque en Belgique. Animateur artistique de l’association à but non lucratif «Coin d’Art» à Bruxelles, où il enseigne la caricature et la calligraphie. Ismail est membre du comité scientifique du Centre LIBREXPRESSION.
Ismail Dogan a Ferrara
Ismail Dogan dans ses dessins a une approche très dure. Pour lui, contre un ennemi très violent la seule façon de faire face est d’utiliser le crayon comme arme. Son ennemi s’appelle Erdogan. Le caricaturiste dénonce le double jeu que le dictateur entretient avec l’EI et l’Europe. Mais la satire de Doğan aborde aussi l’extrémisme religieux, les indications «halal» sur le sexe et le manque de liberté des femmes dans le pays dont elles ont dû fuir. « En Belgique, ils montrent mes dessins à la télévision, en Turquie, je les aurais dessinés sur les murs de la prison », observe Doğan, qui n’a pas échappé aux menaces de ses compatriotes, même sur le territoire belge, où se trouve une très grande communauté turque.
Interview D’Ismail Dogan par Francisco Punal Suarez
Why do you like to make cartoons?
Parce que les meilleurs mots, j’ai pu les dire en dessinant. Parce que j’ai des choses à dire et des messages à faire passer dans cette société basée sur le profit et l’inégalité. Avec la caricature, non seulement je raconte ma vision, mais aussi, je voyage avec ma plume à travers le monde et j’essaye de mettre en lumière ce qu’on nous cache dans l’ombre. J’ai encore la chance de pouvoir me moquer, de mettre les puissants en situation ridicule, de dénoncer tous ceux qui dirigent les états, qui détiennent les puissances économiques mondiales injustement. Parfois il vaut mieux un bon dessin qu’un bon discours… Il n’y a pas pour moi une meilleure arme, contre les oppresseurs et les profiteurs que la plume.
What studies have you done?
On peut dire que mon parcours d’étude n’a pas été de longue durée car, quand la famille a émigré en Belgique comme réfugiés politiques suite aux problèmes que mon père vivait dans notre pays, je n’avais que 13 ans. Arrivé en Belgique, je ne parlais pas la langue du pays. Il a fallu m’adapter et cela a pris quelques années. J ai perdu énormément de temps dans des écoles des travaux manuels parce que j’avais aucune idée qu’il existait des écoles artistiques. De plus, en Belgique, on avait tendance à diriger les étrangers dans des écoles de ce genre sans distinction de nos éventuelles autres capacités. Jusqu’au jour où un professeur de religion me voyant dessiner sans arrêt dans son cours, m’avait fait comprendre que ma place n’était pas dans cette école, mais dans une académie artistique. J’avait 19 ans à cette époque et c’est la première fois que j’entendais le mot « académie ». Intrigué et surpris par ces mots, je me suis décidé un beau jours de m’aventurer à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles avec tout ce que j’avais dessiné en mains. Je voulais juste savoir ce que je valais et voulais entendre un avis de la bouche d’un directeur de l’Académie. Mais, entre temps, comme nous étions assez pauvres, je travaillais à gauche à droite comme lettreur. Je décorais les vitrines des magasins de mon quartier avec cela je pouvais déjà un peu gagner ma vie. Finalement, le directeur de l’Académie des Beaux Arts a non seulement accepté de me prendre, mais de plus m’a directement inscrit en 3 ème années. Mais le problème était qu’il n’y avait pas de cours de caricature mais seulement de bande dessinée, de publicité, etc… Finalement j’ai choisi la publicité car je me sentais à l’aise avec la création et j’ai décidé de m’inscrire en cours de soir, car la journée, je travaillais pour subvenir à mes besoins. Plus tard, avec l’arrivée de l’informatique, je me suis perfectionné dans la création en suivant des cours à plein temps en graphisme et illustration. Grâce à cette formation j’ai pu travailler des longues années dans la presse turque en tant que graphiste. Mais autodidacte, je n’avais jamais lâché ma plume de caricaturiste. Après une année de chômage, j’ai décidé de créer un journal mensuel satirique bilingue (en turc et en français) qui s’appelait « KARDAS » qui signifie « frère » quia été édité pendant deux ans.
Cette aventure m’a permis ensuite de créer avec mon frère notre propre asbl (association sans but lucratifs) essentiellement pour les jeunes défavorisés, pour leur donner la vocation artistique (cours de caricature, de design et de calligraphie) tout en emmenant l’art dans la rue, ce qui était notre objectif principal.
Where have you published your drawings?
En Belgique j’ai travaillé pendant au moins 4 ans pour la presse turcophone, distribué dix mille exemplaires dans toute la Belgique. Ensuite mes dessins ont paru dans plusieurs média en Europe, dans diverses revues ou sur des sites internet. Un de mes dessins sur Obama, en 2009, à était sélectionné parmi les 50 meilleurs finalistes en Europe, et édité dans l’album « Press Cartoon Belgium ». A travers internet mes dessins on été achetés par plusieurs journaux. A la suite nombreuses critiques, censures et menaces que je recevais pour les positions politiques et culturelles exprimées dans mes caricatures, j’ai arrêté de travailler pour la presse et me suis consacré librement à mes dessins sans autocensure. Depuis je dessine tous les jours et je commente l’actualité sur ma page Facebook, mon compte twitter est sur mon blog :
https://www.facebook.com/idogan63
https://twitter.com/smaildogan1
http://sinirsizkarikatur.blogspot.be/
From when are you producing cartoons and how did pass from advertising to political cartoons ?
Je dessine pratiquement depuis les années 90’. Comme j’ai expliqué précédemment, j’aimais bien la publicité parce qu’il y avait le mot « création ». Mais, en fait, la pub est au service du mensonge pour vendre toujours plus de produits, sans se soucier des autres. C’est cela qui me dérangeait. J’étais en Belgique désormais, mais je suivais aussi l’actualité de mon pays d’origine la Turquie. Et, là-bas, on emprisonne et l’on tue encore des journalistes, des intellectuels, des artistes, etc. Je ne pouvais pas rester insensibles à une telle situation…on peut dire que ce n’est pas moi qui ai choisi la caricature mais c’est la caricature qui m’a pris par la plume :).
What themes do you deal with in your cartoons?
L’actualité quotidienne nationale (belge… et turque) et internationale, tout simplement… Sans oublier que je m’intéresse forcément beaucoup à ce qui se passe dans mon pays d’origine.
Since when do you live exiled from Turkey? Where you live now?
Depuis 1976, ma famille et moi-même sommes réfugiés en Belgique car mon père avait été torturé dans les prisons turques du fait de ses idées politiques de gauche. Donc, depuis maintenant 41 ans nous habitons à Bruxelles.
How do you rate the actions of the Erdogan government?
Au début, nous avons tous cru qu’il pouvait peut-être changer quelques choses. Mais nous avons vite compris que c’était un populiste, un réactionnaire et un conservateur qui utilise la croyance des gens pour ses profits électoraux et personnels. Maintenant, depuis plus de 15 ans de pouvoir il devenu totalitaire, et veut instaurer un régime despotique et fascisant, en opprimant, par tout les moyens en son pouvoir, tous ceux qui résiste contre lui, y compris les réfugiés politiques en Europe où les citoyens turcs nationalisés dans un pays européen. J’en ai fait l’expérience directe lors du festival Internazionale à Ferrara fin septembre, au cours duquel le journaliste turc, Can Dündan, réfugié politique en Allemagne, a dû être évacué en cachette, pour ne pas être arrêté, suite à un mandat d’arrêt Interpol émis par les services d’Erdogan. Heureusement, il a pu s’échapper et j’ai dû le remplacer pour une conférence qu’il devait donner à des étudiants sur la « Liberté d’expression en Turquie ». Le blog du site du Centre LIBREXPRESSION (www.libex.eu), dont je suis membre du Conseil scientifique, raconte en détails ce qu’il s’est passé et pose la question de l’abus de l’usage d’Interpol, par les régimes dictatoriaux et particulièrement par celui d’Erdogan.
What about censorship in Turkey?
La censure existe dans tous les domaines et dans toutes les couches sociales de la société : que ce soit dans les médias, dans les institutions, les syndicats, etc… On peut dire que la Turquie est un pays qui a toujours connu la censure, tantôt moins, tantôt plus… Et là nous sommes dans le plus plutôt que dans le moins.
Why is humor and satire important in society?
Il y a une belle citation de Bertolt Brecht qui disait : « Vivre dans un endroit où l’humour est absent est très difficile et ennuyeux. Mais il est impossible de vivre dans un lieu où tout est transformé en humour. ». Et ce que disait John Lennon : « les seules choses où les tyrans ne savent pas comment s’y prendre, ce sont les actes non violents et l’humour. » Et, pour moi, il n’y a pas de meilleure arme que la caricature pour lutter, même au prix de la répression, car « c’est l’arme de la pensée souriante ».
Galerie de dessins D’Ismail DOGAN
- © Ismail Dogan - freedom of expression in Turkey
- "Made in Turkey" - la Takunya est une sorte de sandale en bois, utilisée par les croyants
- © Ismail Dogan - freedom of expression
- Liberté / Freedom / Libertà
- © Ismail Dogan - EU and Migration
- © Ismail Dogan - EU and Migration II
- © Ismail Dogan - Turkey EU membership
- © Ismail Dogan - freedom of Justice
- © Ismail Dogan
- © ismail Dogan
- Evolution / involution
- © Ismail Dogan -Capitalisme
- OTAN-Turquie / NATO-Turkey
- Selfie
- Cadenas Turc / Turkish locker / lucchetto turco
- © Ismail Dogan - The press sold out
- © Ismail Dogan - freedom of press
- © Ismal Dogan - The Sultan
- Exilés / Exiled / Esuli
- Crise financière / Financial crisis / La crisi finanziaria






















