Saint Valentin et liberté d’expression

© Ismail Dogan

D’origine romaine, liée à des pratiques rituelles rappelant le cycle de la nature, fête de purification et de fécondité, la fête des luperciales (entre le 13 et le 15 février) fut interdite par l’église catholique en 494 et remplacée par deux autres fêtes, l’une pour célébrer la purification (la chandeleur) et l’autre pour magnifier l’amour et la fécondité (la saint-Valentin).

Les rites et la signification de cette fête ont évolué dans le temps. L’historien français Jean-Claude Kaufmann, auteur de « Saint-Valentin mon amour » (Editions Les liens qui libèrent, 2017) précise que cette fête a servi à la fin du Moyen-âge pour passer d’une société de violence envers les femmes à un apprentissage de la galanterie, héritage de l’amour courtois, constituant ainsi un véritable tournant poétique. Pour cet historien, la Saint Valentin a incité les hommes à être plus respectueux de l’amour pour l’être cher. Très loin donc d’une célébration de l’immoralité, de la nudité et de l’indécence, associée à des rapports sexuels gratuits, comme la considèrent de nombreux pays musulmans qui l’ont purement et simplement interdite (avec des punitions pour ceux qui la célébreraient), comme le Pakistan, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Indonésie, la Malaisie, la Mauritanie, les Maldives, l’Egypte, etc., une trentaine de pays au total. Le site international Islamique islamhouse.com, rédigé en 115 langues, qui s’attache à mettre l’islam à la portée de tous et donne des conseils aux musulmans, incite les croyants de tous les pays à ne pas célébrer cette fête païenne contraire aux « valeurs » musulmanes.


Mais cette fête n’indispose pas seulement les traditionnalistes musulmans. Ainsi, en Inde, le Shiv Sena, aile droite extrémiste du parti indien nationaliste organise des manifestations contre la saint-Valentin, brûlant des cartes et des affiches, piétinant des roses. En Russie, la ville de Belgorod a interdit par décret de la célébrer la saint –Valentin. Pour le Shiv Sena, comme pour les autorités de Belgorod et celles de pays islamiques , cette fête va à l’encontre de leurs traditions culturelles et symbolise les valeurs et la culture occidentales.

Manifestations contre la saint-Valentin au Pakistan

Et pourtant dans ces pays où fêter la saint-Valentin est interdit, nombreux sont ceux qui veulent célébrer cette fête de l’amour. En Iran, où elle est très populaire, cela devient même un acte de rébellion contre la police de la pensée. De fait, pour de nombreux opposants cette défense des « valeurs » islamiques n’est qu’un prétexte pour lutter contre les libertés individuelles.

Alors, même si cette fête avec sa dimension mercantile, nous semble un peu désuète et galvaudée, en ces temps de #metoo et #balancetonporc, retrouvons-en l’esprit de galanterie et de respect de nos partenaires. Et fêtons-la ne serait-ce que par solidarité avec ceux à qui cela est interdit.

Bonne saint-Valentin à tous les amoureux de l’amour, de la vie et de la liberté !


Auteur

Economiste et historien, directeur du Centre LIBREXPRESSION, fondation Giuseppe di Vagno

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